Déclaration de principe – Pour une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme

Les pratiques d’aménagement et d’urbanisme façonnent à long terme nos villes et nos villages. Les choix que nous faisons aujourd’hui s’imposeront aux prochaines générations : nous sommes largement responsables de leur prospérité future, de leur santé et du maintien à long terme de leur qualité de vie. Or, les dernières décennies nous ont laissé des milieux de vie peu résilients, qui nous coûtent trop cher et génèrent un mode de vie dommageable pour notre environnement. Nous pouvons et devons faire mieux. En ce sens, une vision forte et cohérente de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, portée et assumée par l’État, s’impose.

Les instances internationales – notamment l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), et la Commission mondiale sur l’économie et le climat – reconnaissent l’importance pour les États de se doter de stratégies nationales d’aménagement et d’urbanisme, compte tenu des enjeux propres au 21e siècle.

Au Québec, le moment est propice. Trente-cinq ans après l’adoption de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et 20 ans après celle des orientations gouvernementales en aménagement du territoire, les chantiers de révision sont ouverts pour redéfinir la vision du développement de notre territoire et les relations entre les gestionnaires de ce patrimoine commun : Québec, les municipalités locales et régionales et leurs citoyens. Plus de rigueur et de cohérence doivent être au rendez-vous.

 


 

Préambule

Considérant que l’action gouvernementale en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme est dispersée dans de nombreux textes législatifs et autres politiques, éparpillés entre autant de domaines, et se déploie sans vision d’ensemble;

Considérant que cet éclatement décisionnel est responsable, dans les collectivités, de nombreuses incohérences dont les conséquences environnementales, sociales et économiques sont coûteuses pour l’ensemble de la société québécoise;

Considérant que l’aménagement des milieux de vie et la gestion économe du territoire reposent à la fois sur les actions de l’État et sur celles des instances municipales, sans oublier les citoyens;

Considérant que l’atteinte de plusieurs objectifs nationaux – en matière de protection du territoire et des activités agricoles, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation de pétrole, de développement des transports collectifs, de revitalisation des collectivités, de santé publique, de mise en valeur du patrimoine et des paysages, de protection de la biodiversité, entre autres – dépend d’une plus grande cohérence entre les orientations et les actions de l’État et celles des instances municipales;

Considérant, à titre d’exemple, qu’en faisant de l’aménagement du territoire un chantier prioritaire du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques, l’État y a énoncé non seulement ses propres intentions mais aussi ses attentes envers la participation active des municipalités, tant urbaines que rurales, à la lutte contre les changements climatiques;

Nous, soussignés, déclarons qu’il est fondamental et urgent de réunir, dans un même texte ayant statut de Politique nationale, une vision d’ensemble assortie de principes fondamentaux en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme qui puisse assurer la coordination de l’ensemble des lois, politiques et interventions de l’État et des instances municipales.

En conséquence, nous proposons :

  1. Que le gouvernement du Québec se dote d’une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ;
  2. Que cette Politique soit basée sur les principes suivants :
    1. Le territoire du Québec est le patrimoine commun de l’ensemble des Québécois;
    2. Ce territoire étant une ressource limitée et son altération ayant souvent un caractère irrémédiable, l’usage qui en est fait doit préserver le droit des générations futures de répondre à leurs besoins fondamentaux et de s’épanouir;
    3. L’aménagement du territoire est une responsabilité partagée entre le gouvernement du Québec et les instances municipales;
    4. Les instances municipales sont, dans le respect réciproque des compétences des divers paliers décisionnels, les gestionnaires du territoire sur lequel s’exerce leur autorité, et sont garantes d’en assurer une utilisation économe;
    5. À travers leurs politiques, programmes et actions en aménagement du territoire et urbanisme, le gouvernement du Québec et les instances municipales :
      • contribuent à l’atteinte des grands objectifs collectifs que s’est donnés et se donnera le Québec en matière de protection du territoire et des activités agricoles, de lutte contre les changements climatiques, de réduction de la consommation de pétrole, d’amélioration de la santé, d’optimisation des finances publiques, de protection de la biodiversité, de mise en valeur des paysages naturels et bâtis, de mobilité durable, et tout autre enjeu identifié;
      • font primer l’intérêt collectif sur les intérêts particuliers;
      • prennent en compte et reflètent la diversité des collectivités québécoises.
  3. Que cette Politique prévoie les mécanismes de coordination permettant d’assurer la nécessaire cohérence de l’action de l’État et de ses partenaires en matière d’aménagement et d’urbanisme, et notamment :
    1. Qu’elle soit la pierre d’assise de la révision des orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire et des relations entre l’État et les municipalités;
    2. Que l’action des ministères et organismes de l’État, qui prennent tous des décisions qui s’ancreront de façon permanente sur le territoire, soit cohérente avec ladite Politique;
    3. Que son adoption s’accompagne des ressources nécessaires à sa réalisation, autant pour les actions propres des ministères et organismes de l’État que pour celles des instances municipales.
  4. Que le ministre des Affaires municipales soit nommé responsable de l’application de la Politique et que, conséquemment, son ministère prenne le nom de ministère des Affaires municipales, de l’Aménagement et de l’Occupation du territoire.

Le Québec a besoin d’un « désormais » en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Nos milieux de vie nous façonnent autant que nous les façonnons. Pour notre culture, pour nos familles, pour notre santé, notre prospérité et celle des générations qui nous suivront, mieux construire nos villes et nos villages et mettre en valeur notre territoire doit devenir notre priorité.